La mise en concurrence dans le secteur ferroviaire français, amorcée il y a plus d’une décennie, dans le cadre des directives européennes de libéralisation, continue de transformer un secteur longtemps monopolisé par la SNCF. En 2024, l’ouverture à d’autres acteurs comme Trenitalia, Renfe, ou des opérateurs de transports urbains en Île-de-France face à la RATP, bouleverse les équilibres et stimule le marché tout en suscitant des défis majeurs.
Des défis d’intégration et de rentabilité pour les nouveaux entrants
Pour les nouveaux entrants, la rentabilité reste un défi majeur dans un secteur aux coûts d’exploitation élevés, qui impose des investissements lourds en infrastructures, matériel roulant, et maintenance. Les retours sur investissement sont longs, car ils dépendent d’une fréquentation élevée, conditionnée par la qualité de service et la compétitivité tarifaire. Cependant, la pression du marché pousse la SNCF à revoir sa stratégie commerciale, stimulant ainsi une innovation dans l’offre et le service client. Par exemple, pour rivaliser avec Trenitalia, la SNCF a adapté sa politique tarifaire et renforcé sa communication sur des services comme le TGV InOui et Ouigo.
Ce contexte crée de nouveaux enjeux en matière de gestion opérationnelle et de régulation, car la rentabilité à long terme reste incertaine pour les entrants et les acteurs historiques.
Un marché complexe avec des attentes de régulation et de service accru
La mise en concurrence ferroviaire en France, bien qu’essentielle pour diversifier l’offre et améliorer la qualité des services, est également complexe et nécessite une gouvernance efficace. Les défis de coordination entre opérateurs et gestionnaires d’infrastructures, les conditions d’accès aux réseaux, ainsi que la répartition équitable des créneaux horaires sont autant de points qui requièrent une régulation stricte pour garantir une concurrence saine. L’Autorité de régulation des transports (ART) a un rôle crucial pour garantir l’accès équitable aux voies et définir des règles de partage des ressources qui favorisent une concurrence équilibrée sans pour autant compromettre la qualité et la sécurité des services.
Opportunités d’emploi et de compétences pour répondre à un marché en transformation
Le développement de la concurrence dans le ferroviaire entraîne aussi une demande accrue de professionnels spécialisés, en particulier pour les compétences liées aux infrastructures et aux services opérationnels. Les opérateurs, qu’ils soient nouveaux ou établis, recherchent des profils capables de comprendre les spécificités des transports ferroviaires et de répondre aux attentes de régulation et de sécurité strictes.
Cela couvre une gamme de métiers allant des ingénieurs ferroviaires, experts en maintenance, et conducteurs, aux spécialistes en planification et en gestion de flotte.
La demande se concentre également sur des profils orientés vers la transition écologique, car la réduction de l’empreinte carbone est au cœur des préoccupations de tous les acteurs. Les recruteurs recherchent des experts en technologie pour concevoir et entretenir des trains plus économes en énergie et dotés d’une meilleure efficacité opérationnelle. Dans un contexte de croissance des investissements dans les énergies renouvelables et les infrastructures, des métiers de la finance, du développement durable, et des data scientists spécialisés en analyse des flux de transport viennent également renforcer l’attrait du secteur.
Nouveaux acteurs émergents et une dynamique de recrutement possible
L’ouverture du marché ferroviaire français voit l’arrivée de nouveaux acteurs qui s’attaquent au monopole historique de la SNCF et, par là même, créent des opportunités d’emploi inédites dans le secteur. Parmi ces entrants, Proxima se distingue comme la première compagnie française indépendante de trains à grande vitesse, et Railcoop, malgré des difficultés financières, ambitionnait de proposer une alternative coopérative pour desservir des territoires moins rentables, mais stratégiques pour la connectivité nationale. Ces nouvelles entreprises, bien que confrontées à des obstacles d’accès au marché, comme les créneaux horaires et l’infrastructure, alimentent un dynamisme qui encourage la création de postes spécialisés.
Les nouveaux entrants nécessitent des compétences techniques pointues, en ingénierie ferroviaire, maintenance, et gestion des infrastructures. La concurrence les pousse également à innover et optimiser l’expérience client, ce qui favorise la création de métiers dans le digital, le marketing, et le design de services à bord, dans une logique de personnalisation accrue pour rivaliser avec l’offre historique de la SNCF.
D’un point de vue local, ces entreprises permettent aussi de revitaliser des bassins d’emploi souvent délaissés par les grands opérateurs. Railcoop, par exemple, visait à redynamiser des lignes abandonnées, ce qui aurait créé des postes au niveau local dans la gestion des gares et l’entretien des infrastructures. Ces initiatives, bien que parfois précaires dans un marché encore dominé par la SNCF, démontrent que la mise en concurrence peut renforcer l’attractivité du secteur ferroviaire pour des talents qualifiés et contribuer à une nouvelle dynamique de l’emploi dans le transport en France.
En conclusion
L’ouverture du marché ferroviaire français redéfinit l’écosystème de la mobilité en introduisant une dynamique concurrentielle dans un secteur historiquement fermé. Elle favorise l’émergence de nouveaux acteurs, stimule l’innovation, et crée de nouvelles perspectives professionnelles. Cependant, ces avancées se heurtent à des obstacles structurels et financiers, mettant en exergue la nécessité d’un cadre régulateur robuste et d’investissements dans les compétences pour maintenir une industrie ferroviaire compétitive, résiliente et durable. Pour les professionnels du secteur, cette ouverture est une opportunité unique de contribuer à un modèle de transport plus inclusif et adapté aux défis climatiques du XXIe siècle.
Article écrit par Axel Batalha.